Le dessin, d'une Ligne Claire très classique, de Floc'h a été fortement influencé par celui d'Edgar P. Jacobs. Et la série Albany et
Sturgess qu'il a réalisée avec François Rivière, lui aussi grand spécialiste de l'oeuvre d'EPJ, regorge de réminiscences du maître.
Je me propose donc dans ce sujet de présenter quelques dessins de Floc'h qui évoquent ouvertement Jacobs, Blake et Mortimer.
Extrait de "Floc'h et Rivière, I presume...", article paru dans Le Figaro Littéraire du 5 octobre 2006 :
Floc'h : "Nous nous sommes vus dans une librairie du Quartier Latin, au début des années 70. Je sortais des Arts Décos. J'étais un petit bonhomme vif et ambitieux. François dirigeait la collection Marginalia et cherchait des illustrateurs pour ses couvertures. Quand il a vu, dans mon dossier de présentation, un dessin de ma copine de l'époque, allongée sur un lit, tenant un exemplaire de L'Enigme de l'Atlantide, il a été séduit."
Rivière : "J'y ai vu un signe du destin. Edgar Pierre Jacobs était - et reste - une de mes idoles avec Hergé."
Jacobs est donc ainsi indirectement à l'origine de la naissance de cette autre grande série de la bande dessinée francophone qu'est Albany et Sturgess.
Les deux vignettes ci-contre et ci-dessous, tirées du Rendez-vous de Sevenoaks (1977), évoquent directement l'oeuvre de Jacobs et notamment La Marque jaune. Non seulement parce qu'il s'agit de son album le plus mythique, mais aussi parce que, ces albums se déroulant tous deux à Londres, il semble facile et naturel d'y adresser quelques clins d'oeil.
Sur la vignette ci-contre, on aperçoit, dans le bac de bouquiniste que fouille le héros George Croft, un exemplaire de The Mega Wave du Dr John Wade, ouvrage que Philip Mortimer aura tant de mal à trouver quelques années seulement plus tard.
L'action du Rendez-vous de Sevenoaks se situe en effet en 1949, soit quatre ans avant celle de La Marque jaune, ce qui justifie la présence du Dr Jonathan Septimus sur la vignette ci-dessous où il participe à une réception où sont également présents Francis Albany et Olivia Sturgess.
Cette carte de voeux a été dessinée par Floc'h au début des années 80 sur une idée de François Rivière. Notez la rencontre de trois grandes séries de la bande dessinée francophone, quatre si on prend en compte le texte manuscrit en zorglangue.
Ce dessin a été repris dans Un Homme dans la foule, compilation de travaux de Floc'h parue en 1985 :
Ce savoureux article de presse, relatant la remise du titre de Membre de l'Ordre de l'Empire Britannique à Edgar P. Jacobs par la Reine Elizabeth, a été réalisé par Floc'h pour Angoulême 90, le magazine, catalogue officiel du 17ème salon international de la bande dessinée. Il accompagnait l'excellent article de Daniel Riche "Subversion et empire : Jacobs, une guerre trop loin".
On retrouve là une des caractéristiques du travail de Floc'h qui consiste à brouiller la limite entre réalité et fiction, faisant vivre des événements fictifs à des personnages réels et inversement. C'est sur ce principe qu'est construit son dernier ouvrage Une Vie de rêve. Et ce côtoiement de personnages fictifs et réels est aussi un des attraits de la série qu'il réalise avec son complice François Rivière, Albany et Sturgess, au point que l'on en arrive parfois à se demander si ceux-ci n'ont pas réellement vécu au XXème siècle (pour mieux connaître cette série, lire l'article que je lui avais consacré pour Artelio).
Ce test pour la reprise de Blake et Mortimer datant du début des années 90, a été publié dans le n° 7 de la revue Archibald en 1997. Notons que, s'il réussit assez bien Mortimer, Floc'h, comme la quasi totalité des dessinateurs qui s'y sont essayé, voire comme Jacobs lui-même, a du mal avec le personnage de Blake.
Extrait de l'interview donnée à ce magazine par Floc'h :
"- Avant de confier Blake et Mortimer à Ted Benoit, on vous a proposé de reprendre cette série. Pourquoi avez-vous refusé ?
- Je ne peux m'intéresser à quelque chose qui me semble voué à l'échec. Ce qui ne veut pas dire que cette reprise n'a pas été bien négociée. Mais je n'y crois pas. Je comprends le cahier des charges de Dargaud. Il s'agit d'effectuer une transition souple avec Jacobs, donc d'en épouser tous les tics, graphiquement et dans la narration. Pour moi, le côté scientifique, fin du monde, troisième guerre mondiale, c'est du pipeau. J'avais suggéré à Benoit de situer son histoire aux Etats-Unis. Parce que c'était un univers qu'il connaissait très bien et que Jacobs n'avait jamais exploré. Il y avait là une chance extraordinaire de moderniser Blake et Mortimer. Le succès colossal de l'entreprise ne me fait pas changer d'avis, au contraire. Je ne veux pas être Jacobs. Un auteur n'existe que par lui-même."
Des précisions sur cette incursion de Floc'h dans l'univers de Blake et Mortimer sont données dans l'ouvrage de Jean-Luc Cambier et Eric Verhoest, Blake et Mortimer. Histoire d'un retour, paru en 1996 à l'occasion de la reprise de la série par Ted Benoit et Jean van Hamme, avec L'Affaire Francis Blake :
"En fait, Ted Benoit ne venait pas en tête de liste des dessinateurs potentiels. [...] Un autre nom est avancé : Floc'h, qui dit "oui, bien sûr" puis "non, évidemment pas". Mais surtout, il parle avec Ted qui est un grand ami. Ensemble, ils s'échauffent et échafaudent les premières bribes d'une nouvelle aventure. Ils établissent un cadre et pensent même à se partager le dessin. Très vite, Floc'h fait marche arrière et Ted se décide à tout assumer."
Ted Benoit : "[en 1992] Floc'h m'a prévenu. Christmann, qui l'éditait chez Dargaud, avait tenu, puisqu'il travaillaient déjà ensemble, à lui proposer en premier la reprise de Blake et Mortimer. Une oeuvre collective me paraissait plus plausible car je ne voyais personne capable de se glisser seul dans les chaussons de Jacobs. On s'était dit qu'il fallait évacuer les voyages à l'autre bout du monde et les laboratoires secrets pour revenir à l'Angleterre et à plus de simplicité dans l'intrigue. Floc'h voulait retourner à un élément humain comme noeud de l'histoire. Moi, je voulais remettre Blake en avant.
[...] de toute façon, j'envisageais une oeuvre collective. Floc'h et moi avions même pensé qu'un troisième dessinateur pourrait s'occuper des décors.
[...] Les notes prises avec Floc'h allaient dans le sens d'une dimension humaine retrouvée. Creuser le personnage de Blake était notre point fort."
Dans son dernier ouvrage, Une vie de rêve. Fragments d'une autobiographie idéale, paru chez Robert Laffont en novembre 2007, Floc'h se représente à côté des personnages qu'il aurait aimé rencontrer ou dans les situations qu'il aurait aimé vivre. Il détourne ainsi la case n° 7 de la planche 11 de La Marque jaune, avec la légende suivante :
"Dans la peau du chroniqueur théâtral du Daily Mail dans la bande dessinée "La Marque Jaune" d'Edgar P. Jacobs (1956)."
Cette date de 1956 correspond à la publication en album aux éditions du Lombard.
Je profite enfin de l'occasion de cet article pour signaler l'existence, depuis le début du mois d'avril, d'un blog consacré à l'oeuvre de Floc'h, illustrateur : L'Homme dans la foule.
Beaucoup de créations de blogs consacrés à des séries ou des auteurs, puisque vient aussi de voir le jour le blog du Club des Amis de Freddy (Lombard bien sûr), consacré plus généralement à l'oeuvre d'Yves Chaland.
Je me propose donc dans ce sujet de présenter quelques dessins de Floc'h qui évoquent ouvertement Jacobs, Blake et Mortimer.
Floc'h : "Nous nous sommes vus dans une librairie du Quartier Latin, au début des années 70. Je sortais des Arts Décos. J'étais un petit bonhomme vif et ambitieux. François dirigeait la collection Marginalia et cherchait des illustrateurs pour ses couvertures. Quand il a vu, dans mon dossier de présentation, un dessin de ma copine de l'époque, allongée sur un lit, tenant un exemplaire de L'Enigme de l'Atlantide, il a été séduit."
Rivière : "J'y ai vu un signe du destin. Edgar Pierre Jacobs était - et reste - une de mes idoles avec Hergé."
Jacobs est donc ainsi indirectement à l'origine de la naissance de cette autre grande série de la bande dessinée francophone qu'est Albany et Sturgess.
Les deux vignettes ci-contre et ci-dessous, tirées du Rendez-vous de Sevenoaks (1977), évoquent directement l'oeuvre de Jacobs et notamment La Marque jaune. Non seulement parce qu'il s'agit de son album le plus mythique, mais aussi parce que, ces albums se déroulant tous deux à Londres, il semble facile et naturel d'y adresser quelques clins d'oeil.
Sur la vignette ci-contre, on aperçoit, dans le bac de bouquiniste que fouille le héros George Croft, un exemplaire de The Mega Wave du Dr John Wade, ouvrage que Philip Mortimer aura tant de mal à trouver quelques années seulement plus tard.
L'action du Rendez-vous de Sevenoaks se situe en effet en 1949, soit quatre ans avant celle de La Marque jaune, ce qui justifie la présence du Dr Jonathan Septimus sur la vignette ci-dessous où il participe à une réception où sont également présents Francis Albany et Olivia Sturgess.
Cette carte de voeux a été dessinée par Floc'h au début des années 80 sur une idée de François Rivière. Notez la rencontre de trois grandes séries de la bande dessinée francophone, quatre si on prend en compte le texte manuscrit en zorglangue.
Ce dessin a été repris dans Un Homme dans la foule, compilation de travaux de Floc'h parue en 1985 :
Ce savoureux article de presse, relatant la remise du titre de Membre de l'Ordre de l'Empire Britannique à Edgar P. Jacobs par la Reine Elizabeth, a été réalisé par Floc'h pour Angoulême 90, le magazine, catalogue officiel du 17ème salon international de la bande dessinée. Il accompagnait l'excellent article de Daniel Riche "Subversion et empire : Jacobs, une guerre trop loin".
On retrouve là une des caractéristiques du travail de Floc'h qui consiste à brouiller la limite entre réalité et fiction, faisant vivre des événements fictifs à des personnages réels et inversement. C'est sur ce principe qu'est construit son dernier ouvrage Une Vie de rêve. Et ce côtoiement de personnages fictifs et réels est aussi un des attraits de la série qu'il réalise avec son complice François Rivière, Albany et Sturgess, au point que l'on en arrive parfois à se demander si ceux-ci n'ont pas réellement vécu au XXème siècle (pour mieux connaître cette série, lire l'article que je lui avais consacré pour Artelio).
Ce test pour la reprise de Blake et Mortimer datant du début des années 90, a été publié dans le n° 7 de la revue Archibald en 1997. Notons que, s'il réussit assez bien Mortimer, Floc'h, comme la quasi totalité des dessinateurs qui s'y sont essayé, voire comme Jacobs lui-même, a du mal avec le personnage de Blake.
Extrait de l'interview donnée à ce magazine par Floc'h :
"- Avant de confier Blake et Mortimer à Ted Benoit, on vous a proposé de reprendre cette série. Pourquoi avez-vous refusé ?
- Je ne peux m'intéresser à quelque chose qui me semble voué à l'échec. Ce qui ne veut pas dire que cette reprise n'a pas été bien négociée. Mais je n'y crois pas. Je comprends le cahier des charges de Dargaud. Il s'agit d'effectuer une transition souple avec Jacobs, donc d'en épouser tous les tics, graphiquement et dans la narration. Pour moi, le côté scientifique, fin du monde, troisième guerre mondiale, c'est du pipeau. J'avais suggéré à Benoit de situer son histoire aux Etats-Unis. Parce que c'était un univers qu'il connaissait très bien et que Jacobs n'avait jamais exploré. Il y avait là une chance extraordinaire de moderniser Blake et Mortimer. Le succès colossal de l'entreprise ne me fait pas changer d'avis, au contraire. Je ne veux pas être Jacobs. Un auteur n'existe que par lui-même."
Des précisions sur cette incursion de Floc'h dans l'univers de Blake et Mortimer sont données dans l'ouvrage de Jean-Luc Cambier et Eric Verhoest, Blake et Mortimer. Histoire d'un retour, paru en 1996 à l'occasion de la reprise de la série par Ted Benoit et Jean van Hamme, avec L'Affaire Francis Blake :
"En fait, Ted Benoit ne venait pas en tête de liste des dessinateurs potentiels. [...] Un autre nom est avancé : Floc'h, qui dit "oui, bien sûr" puis "non, évidemment pas". Mais surtout, il parle avec Ted qui est un grand ami. Ensemble, ils s'échauffent et échafaudent les premières bribes d'une nouvelle aventure. Ils établissent un cadre et pensent même à se partager le dessin. Très vite, Floc'h fait marche arrière et Ted se décide à tout assumer."
Ted Benoit : "[en 1992] Floc'h m'a prévenu. Christmann, qui l'éditait chez Dargaud, avait tenu, puisqu'il travaillaient déjà ensemble, à lui proposer en premier la reprise de Blake et Mortimer. Une oeuvre collective me paraissait plus plausible car je ne voyais personne capable de se glisser seul dans les chaussons de Jacobs. On s'était dit qu'il fallait évacuer les voyages à l'autre bout du monde et les laboratoires secrets pour revenir à l'Angleterre et à plus de simplicité dans l'intrigue. Floc'h voulait retourner à un élément humain comme noeud de l'histoire. Moi, je voulais remettre Blake en avant.
[...] de toute façon, j'envisageais une oeuvre collective. Floc'h et moi avions même pensé qu'un troisième dessinateur pourrait s'occuper des décors.
[...] Les notes prises avec Floc'h allaient dans le sens d'une dimension humaine retrouvée. Creuser le personnage de Blake était notre point fort."
Dans son dernier ouvrage, Une vie de rêve. Fragments d'une autobiographie idéale, paru chez Robert Laffont en novembre 2007, Floc'h se représente à côté des personnages qu'il aurait aimé rencontrer ou dans les situations qu'il aurait aimé vivre. Il détourne ainsi la case n° 7 de la planche 11 de La Marque jaune, avec la légende suivante :
"Dans la peau du chroniqueur théâtral du Daily Mail dans la bande dessinée "La Marque Jaune" d'Edgar P. Jacobs (1956)."
Cette date de 1956 correspond à la publication en album aux éditions du Lombard.
Je profite enfin de l'occasion de cet article pour signaler l'existence, depuis le début du mois d'avril, d'un blog consacré à l'oeuvre de Floc'h, illustrateur : L'Homme dans la foule.
Beaucoup de créations de blogs consacrés à des séries ou des auteurs, puisque vient aussi de voir le jour le blog du Club des Amis de Freddy (Lombard bien sûr), consacré plus généralement à l'oeuvre d'Yves Chaland.